Dévoilée le 30 avril, la sélection du Prix BD des Inrockuptibles 2025 propulse sur le devant de la scène une diversité d’œuvres et d’auteurs qui renouvellent les codes du 9e art.
Cette édition, portée par un jury d’exception présidé par Dominique A et composé de figures clés de la critique, de l’édition et du monde culturel, marque un tournant dans la reconnaissance des nouvelles voix de la bande dessinée contemporaine.
Sommaire
Un format élargi pour une visibilité accrue
Pour la première fois, le Prix BD des Inrocks s’inscrit dans un calendrier étendu : la bande dessinée bénéficie de son propre rendez-vous, distinct des autres catégories littéraires, avec une remise prévue le 3 juin 2025.
L’événement s’appuie sur des partenaires majeurs comme Radio Nova et la Cité internationale de la bande dessinée, renforçant la diffusion et l’impact des œuvres sélectionnées tout au long du printemps.
Un jury pluridisciplinaire et engagé
Le jury 2025 est présidé par le musicien et auteur Dominique A, passionné de bande dessinée, qui revendique un rapport « très enfantin » à cet art et une fascination pour « cet art en perpétuelle expansion, si fertile en possibilités visuelles et narratives ».
- Dominique A (président, musicien et auteur)
- Emmanuel Hoog (ancien président de l’AFP et de l’INA)
- Carole Boinet (journaliste culture)
- Vincent Brunner (responsable des pages BD aux Inrocks)
- Nelly Kaprièlian (journaliste et critique littéraire)
- Elsa Pereira (journaliste et autrice)
- Sylvie Tanette (journaliste et critique littéraire)
- Pauline Le Gall (journaliste)
- Gérard Lefort (journaliste et critique)
- David Blot (Radio Nova)
- Pili Muñoz (directrice de la Maison des auteurs – Cité internationale de la BD)
Ce collectif réunit journalistes, éditeurs, critiques littéraires, programmateurs radio et responsables d’institutions culturelles, offrant un regard transversal sur la création graphique.
Vincent Brunner rappelle : « Mettre cette liberté et la création contemporaine en avant, c’est la mission de notre prix ».
Présentation des œuvres sélectionnées
Meilleure BD
Inlandis Inlandis – la glace de Benjamin Adam (Charivari/Dargaud)
Entre l’Antarctique et le chaos urbain, ce récit d’anticipation propose une parabole sur la mémoire individuelle et collective. Deux auteurs de BD, désœuvrés après la crise du papier, partent en résidence en Antarctique pour le projet Ice Memory, tandis qu’une femme lutte pour retrouver ses repères après une amnésie. Un voyage entre passé et futur, mêlant faits authentiques et fiction.
Une réflexion sur la mémoire de la planète et l’avenir de la création.
Le Cas David Zimmerman de Lucas et Arthur Harari (Sarbacane)
David Zimmerman, photographe discret, voit sa vie basculer lors d’une fête du Nouvel An où il se réveille dans le corps d’une inconnue. Ce polar graphique joue avec les codes de l’identité et du fantastique, sur fond de Paris contemporain.
Un récit sur la quête de soi, l’étrangeté du quotidien et la porosité des frontières de l’identité.
Rébétissa de David Prudhomme (Futuropolis)
Suite du remarqué Rébétiko, ce roman graphique plonge dans la Grèce des années 1930, où la musique populaire rébétiko est frappée de censure. Bèba, jeune chanteuse, lutte pour sauver sa passion et le café où elle se produit, aidée d’une galerie de personnages hauts en couleur.
Un hommage vibrant à la résistance par la musique et à la liberté d’expression.
Les Gugusses en vacances d’Emilie Gleason (Atrabile)
Chronique sociale décalée, cette bande dessinée met en scène des personnages marginaux dans des situations absurdes et touchantes, avec un humour acide et un sens aigu de l’observation.
Une exploration de la différence et de la solidarité à travers le rire et l’absurde.
La Chiâle de Claire Braud (Dupuis)
Claire Braud livre un récit autofictionnel puissant sur l’effondrement psychique, en croisant l’histoire de Carilé et les tragédies contemporaines. Entre larmes inépuisables, humour noir et dessin animalier, l’autrice interroge la capacité à résister à la violence du monde.
Une œuvre à la fois intime et universelle sur la douleur, la famille et la résilience.
Meilleur Manga
Tokyo, ces jours-ci de Taiyo Matsumoto (Kana)
Ce manga introspectif suit Shiozawa, éditeur en fin de carrière, qui quitte son poste mais n’arrive pas à se détacher du monde du manga. À travers ses rencontres avec d’anciens auteurs, le récit explore la passion, le déclin et la transmission dans l’industrie du manga.
Une plongée rare dans l’envers du décor éditorial, entre nostalgie et modernité.
Une infinité de jours et de nuits de Moto Hagio (Akata)
Adaptation d’un roman de science-fiction culte, ce manga fait voyager Platon à la recherche de l’Atlantide, croisant Siddhartha, Jésus et Asura dans une odyssée à travers l’espace-temps. Œuvre unique de Moto Hagio, elle mêle philosophie, aventure et réflexion sur la création du monde.
Un grand récit métaphysique et poétique, rare dans l’œuvre de l’autrice.
Le Journal de Hanako de Machiko Kyo (Imho)
Inspiré de l’histoire d’Anne Frank, ce manga raconte la vie d’une jeune fille cachée aux Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale, entre rêves, cauchemars et rencontres oniriques. Le récit brouille les frontières entre victime et bourreau, réalité et illusion.
Un conte poignant sur l’enfance en temps de guerre et la puissance de l’imaginaire.
Croissant amoureux de Yasutoshi Kurokami (The Hoochie Coochie)
En 2050, dans un Japon en déclin démographique, une étudiante indienne et un lycéen japonais se rapprochent sur fond de tensions identitaires et politiques. Ce manga hybride mêle anticipation, comédie, romance et satire sociale.
Un récit d’apprentissage audacieux, miroir des enjeux contemporains du Japon.
Yon de Camille Broutin-Méhu (Combo/Dargaud)
Premier manga de cette jeune autrice française, Yon suit deux filles résilientes dans un univers mêlant influences japonaises et franco-belges. La série, prévue en quatre volumes, explore la survie, l’amitié et l’émancipation.
Un croisement original entre manga et BD européenne, porté par une voix émergente.
Meilleure première œuvre
Sybilline de Sixtine Dano (Glénat)
À 19 ans, Raphaëlle découvre l’escorting pour financer ses études à Paris. Ce roman graphique aborde la prostitution étudiante avec justesse, nuance et sensibilité, interrogeant le rapport à la féminité, au pouvoir et à l’émancipation.
Un portrait moderne, intime et puissant d’une jeunesse en quête de sens et de liberté.
Ish Mima de Jules Naleb (Kinaye)
Dans un univers de science-fiction influencé par Miyazaki, Ish et Mima, un couple d’humanoïdes, fuient la ville-usine de Dreib à la recherche d’un lieu mythique. Un récit d’aventure et d’amour, premier jalon d’un univers plus vaste baptisé Aeon World.
Un voyage initiatique solaire et poétique, porté par un dessin inspiré de l’animation.
Katya d’Antoine Schiffers (Casterman)
Katerina traverse une Tchétchénie en ruines pour retrouver sa fille disparue, Katya. Ce récit intime et bouleversant mêle fresque historique et quête maternelle, dans un décor ravagé par la guerre.
Une plongée universelle dans la douleur de la perte et la résilience face à la guerre.
Ballades de Camille Potte (Atrabile)
Le prince Gourignot, transformé en grenouille, croise une chevalière, une princesse, une salamandre hallucinée et d’autres créatures dans une épopée délirante. Ce premier livre surprend par son humour, son style graphique et sa folie douce.
Une fantaisie médiévale déjantée, drôle et attachante, qui renouvelle le conte.
Beneath the trees where nobody sees de Patrick Horvath (Ankama)
Dans la petite ville de Woodbrook, Sam Strong, ourse en apparence sans histoire, cache une double vie de tueuse en série. L’arrivée d’un autre tueur bouleverse son équilibre. Thriller décalé, l’album joue sur le contraste entre un dessin « trop mignon » et une histoire sombre.
Un polar animalier dérangeant, où l’horreur se glisse sous des dehors enfantins.
Un levier de visibilité inédit pour les auteurs
Grâce à cette médiatisation et aux relais de partenaires comme Radio Nova et la Cité internationale de la BD, la sélection bénéficie d’une exposition durable et d’une mise en avant en librairie, favorisant la découverte par un public élargi.
Des rencontres et événements sont prévus avec les auteurs, renforçant l’impact du prix sur la reconnaissance critique et la carrière des lauréats :
- Les libraires partenaires mettent en avant la sélection dans leurs vitrines, générant un effet de prescription inédit.
- Des échanges avec le public et la presse spécialisée sont organisés jusqu’à la remise du prix le 3 juin.
Plusieurs éditeurs soulignent déjà l’impact positif des précédentes sélections sur la notoriété et les ventes des albums primés.
La BD redéfinit ses repères
En valorisant la diversité des genres, l’audace narrative et la jeune création, le Prix BD des Inrocks s’impose comme un laboratoire de la critique BD contemporaine.
Il participe à la redéfinition des hiérarchies dans un secteur en pleine mutation, où la reconnaissance ne passe plus uniquement par les grands prix institutionnels mais aussi par la capacité à surprendre, à innover et à ouvrir de nouveaux horizons au 9e art.
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